Qu’est-ce qu’un acte anormal de gestion ?

L’acte anormal de gestion expliqué à travers ses définitions, ses sanctions, ses notions. L'acte anormal de gestion et les PME sont abordés.
Qu'est ce qu'un acte anormal de gestion ?

Non immixtion de l’administration dans la gestion & acte anormal de gestion

Définitions, théorie, notions associées à l’acte anormal de gestion

L’acte anormal de gestion n’est pas prévu directement par une disposition du CGI. Les fondements légaux sont réduits aux articles 38 et 209 du CGI : « Le bénéfice imposable est le bénéfice net, détermine d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuée par les entreprises, à l’exception de celles qui en raison de leur objet ou de leur modalité, sont étrangère à une gestion commerciale normale ».

La théorie de l’acte anormal de gestion résulte d’une véritable construction jurisprudentielle et doctrinale qui repose, d’une part, sur l’article 55 du Livre des Procédures Fiscales qui autorise l’administration « d’exercer son droit à rectifier » les résultats, et d’autre part, sur le principe de non-immixtion dans la gestion de l’administration fiscale qui l’empêche de porter un jugement sur les choix de gestion décidés par les organes de direction (liberté de gestion).

Ainsi, l’acte anormal de gestion peut être défini comme :

  • Un acte contraire à l’intérêt social de l’entreprise, par son montant, par sa nature ou ses effets : absence d’une contrepartie équilibrée
  • Un acte intentionnel et non une erreur
  • L’acte accompli dans l’intérêt d’un tiers à l’entreprise c’est à dire un salarié, associé, dirigeant ou autre tiers, ou qui n’apporte à l’entreprise qu’un intérêt minime, hors de proportion avec l’avantage que le tiers peut en retirer

À ces théories, s’ajoute celle du risque manifestement excessif selon laquelle tout acte, ayant pour conséquence la prise excessive de risque, devrait être considéré comme anormal.

Cette notion de risque manifestement excessif occupe une place accessoire dans la définition de l’acte anormal de gestion, à côté de la notion principale d’intérêt pour l’entreprise. Précédemment, la théorie du risque manifestement excessif avait été évoquée par la jurisprudence pour des entreprises qui effectuaient des placements financiers, participaient à des montages financiers hasardeux, à des prises de participation ou réalisaient des avances intra-groupes à une filiale en difficulté.

Cependant, une décision récente du Conseil d’Etat du 13  juillet  2016  semble remettre en question cette théorie en rappelant que « C’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d’une gestion commerciale normale. Indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n’appartient pas à l’administration de se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion dirigés par l’entreprise et notamment sur l’ampleur des risques pris qu’elle a pris pour améliorer ses résultats ».

Il faut un équilibre entre gestion et respect des lois

Les sanctions inhérentes à l’acte anormal de gestion

Les conséquences de la qualification d’un acte de gestion comme « anormal » peuvent être très lourdes. Le bénéfice de l’entreprise sera rehaussé du montant des charges injustifiées ou des recettes non perçues (manque à gagner). Il s’ensuit alors un rappel des droits « anormalement » éludés.

Le bénéficiaire de l’acte sera, quant à lui, imposé pour distribution irrégulière s’il s’agit d’une personne morale et dans la catégorie des BNC ou BIC (si exploitant) s’il s’agit d’une personne physique. L’administration n’hésitera pas à rectifier l’ensemble des sociétés en cause. L’acte anormal de gestion n’existe pas en matière de TVA. Il n’a donc des conséquences que sur le bénéfice de l’entreprise.

Situation pouvant être qualifiée d’acte anormal de gestion

À titre d’exemple, une filiale rémunère la société holding animatrice pour des prestations dans le cadre de l’animation de cette dernière. Et ce, à un prix dérogeant aux conditions du marché et beaucoup plus élevé que ces dernières.

Cet acte peut être qualifié d’acte anormal de gestion si le surcoût facturé par la société holding n’est pas justifié par une contrepartie réelle.

L’acte anormal de gestion dans les petits groupes de PME

Contrairement à l’abus de droit, l’acte anormal de gestion est une notion largement appliquée par l’administration fiscale.

Les juges vont le caractériser en recherchant la conformité avec l’intérêt de la société et examineront si l’acte comporte une contrepartie réelle et suffisante. Dans le cas d’animation et de prestations de services, ils examineront l’intérêt et l’étendue des prestations, la rémunération par rapport au marché ainsi que la réalité.

L’analyse de la jurisprudence montre que les situations les plus souvent contestées sous l’angle de l’acte anormal de gestion sont :

  • La rémunération par la filiale de prestations fournies par la société holding :
    • Si elle est supérieure à la rémunération prévue à la convention ou considérée comme « excessive », c’est à dire une surfacturation
    • Si celle-ci déroge au prix de marché, c’est à dire une sur ou sous-facturation
    • Dans le cas où elle est opérée à leur coût de revient sans marge ou à un prix inférieur au coût de revient
  • La rémunération de prestations de direction dès lors que la société holding prestataire et la filiale bénéficiaire ont un dirigeant commun et que la société holding n’a fourni aucune prestation distincte des activités du dirigeant, réalisées dans le cadre de ses fonctions au sein de la filiale
  • L’absence de facturation de prestations fournies par la société holding
  • L’absence de réalité des prestations fournies, ou d’éléments concrets matérialisant et prouvant cette dernière

Toutefois, dans certains cas, l’existence d’un groupe peut justifier certaines solidarités. Ainsi, la jurisprudence admet quelques souplesses telles que :

  • La facturation de la société holding à la filiale bénéficiaire : la jurisprudence admet que la société mère pratique des prix préférentiels (coût de revient sans marge mais pas en dessous) au bénéfice de ses filiales uniquement si « la présence d’associés minoritaires au sein de ces filiales est négligeable et si la société holding obtient une contrepartie de cette faveur accordée » telle que la sauvegarde de ses intérêts notamment lorsque la filiale est en difficulté
  • La facturation d’une filiale à la société holding mère : la jurisprudence n’admet pas qu’une société puisse agir dans l’intérêt général de son groupe. Elle doit agir dans son intérêt propre et non par rapport aux intérêts financiers et commerciaux existants entre les sociétés du groupe. Elle peut consentir une aide à la société holding si celle-ci connait des difficultés telles qu’une procédure collective de nature à mettre en cause la poursuite de l’activité entre les deux sociétés
  • La facturation entre sociétés du groupe : un « intérêt réel et sérieux doit être apporté » (importance du chiffre d’affaires, constance des relations commerciales) afin de pouvoir déroger au principe du « prix de marché » (survie de la société soeur par exemple)

Par ailleurs, le régime de l’intégration fiscale peut permettre également certaines souplesses sans pour autant supprimer les risques encourus.

La jurisprudence peut admettre que la société holding puisse facturer à ses filiales des prestations « au moins au coût de revient et au plus au prix de marché si le groupe est fiscalement intégré sans justification particulière ».

Ce régime n’empêche pas l’administration de contester les actes anormaux de gestion. Ni de les sanctionner notamment en cas de sur ou sous-facturation.

Cependant, il peut permettre d’éliminer en partie les conséquences fiscales sur le résultat d’ensemble en neutralisant les subventions indirectes en application de l’article 223 B du CGI. Les comptes sont reconstitués tels qu’ils auraient du se présenter en comptabilité si les prestations avaient été réalisées au prix normal.

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